jeudi 24 juillet 2008

[Andreas Antinaïkos] Dans la famille Antinaïkos, je demande…

… Le père.

Andreas compte parmi les quelques personnages originaux d’UDC. D’un point de vue général, il symbolise aux côtés de Nathan Dothrakis la notion de cellule familiale, largement présente et exploitée dans l’histoire mais aussi et surtout partie prenante des principaux événements qui la jalonnent.

On ne peut pas dire que cet homme se soit fait beaucoup d’amis parmi les lecteurs, il semble même que ce soit plutôt l’inverse : le salaud, l’enflure, l’enfoiré, l’affreux… tout autant de sobriquets tous plus affectueux les uns que les autres, employés pour le qualifier, compte tenu de ses paroles et de ses actes. C’est fou comme on oublie vite qui sont ses fils… à moins qu’on ne leur pardonne plus facilement ?

Partant du principe que les chiens ne font pas des chats, et en inversant le cours du temps, il m’est apparu difficile de faire du père des jumeaux terribles un homme doux, paisible et doté d’une empathie surdéveloppée. On ne devient pas arrogant et hautement conscient de l’importance de sa petite personne sans avoir disposé au préalable d’un modèle particulièrement bien équipé de ce côté-là. Aussi, Andreas ne pouvait être autre chose que cet être cassant, charismatique et dont la présence écrase son entourage. Son physique l’atteste (en l’absence de toute représentation, il convient de se reporter aux quelques descriptions existant dans le récit) : aussi grand et raide que ses fils, son visage est empreint de la même inflexibilité, de la même froideur, le regard est aussi vert que perçant, ses cheveux azur et sel – enfin, surtout sel – sont courts sur sa nuque et surmonte un visage buriné par les années dont le front à demi dégagé témoigne d’une perpétuelle réprobation. Jeune, il a été bel homme (oui, les chiens ne font pas des… vous avez compris), de cette beauté, il a conservé toute l’assurance d’être regardé et surtout écouté. Mais ça… c’était “avant”. Avant qu’il ne revienne sur le devant d’une scène qui ne lui appartient plus, sur laquelle il a depuis longtemps perdu le premier rôle.

Paradoxalement, celui que l’ambition a porté aux plus sphères du Sanctuaire, ne digère pas que son aîné en occupe – certes peu glorieusement – la tête. La jalousie ? La déception de ne pas avoir enfin l’occasion d’exercer pleinement ce pouvoir qu’il estime lui être dû après les “sacrifices” qu’il a consentis ? Fort possible. Après tout, Shion le connaissait si bien qu’il lui a sans aucun doute fait miroiter cette possibilité pour s’assurer de son entière collaboration, laquelle dans le même temps éloignait Andreas de ce qu’il aimait par-dessus tout : diriger.

Mais pas seulement. Andreas se réfugie-t-il derrière l’assassinat perpétré par Saga pour justifier son courroux et sa déception, ou y a-t-il dans cette colère une saine motivation qui puisse la justifier ? Je dirais que oui, malgré tout ce qu’il est.
Contrairement à ce que pense Saga, Andreas ne serait jamais allé jusqu’au meurtre pour satisfaire ses appétits. En dépit de sa position d’héritier de l’une des deux familles fondatrices du Sanctuaire, en dépit de son rôle crucial dans le bon fonctionnement de cette vénérable institution, en dépit encore de son statut de père des jumeaux attendus comme des messies, Andreas est et demeure viscéralement attaché aux valeurs fondatrices du lieu. Il respectait Shion, il respectait les règles, celles qui ont régi toute son existence et sa façon d’éduquer ses propres enfants. A la dure, certes. Sans pitié, c’est vrai. Mais dans quel but ? Au-delà de faire des jumeaux les meilleurs de leur caste, il voulait aussi et surtout offrir au Sanctuaire les meilleurs et les plus valeureux défenseurs qui soient. En ce sens, il a échoué – du moins le pense-t-il de prime abord – et au-delà de sa fierté blessée, c’est tout ce qu’il considère comme la déchéance du Sanctuaire qui lui saute à la figure.

Ce qui est agaçant avec Andreas, au final, c’est son côté tête de mule stoppée dans une époque révolue. Persuadé de détenir la vérité divine, il refuse d’admettre que les choses ont changé. Ni en bien, ni en mal, elles sont juste… différentes. Et ne pouvant se raccrocher à un quelconque lien filial – à l’inverse de Nathan qui malgré tout parvient à “retrouver” sa fille – pour compenser la perte de ses propres repères, il s’emmure derrière sa méchanceté et se trompe de cible.

A l’instar d’Angelo, je n’ai jamais été confrontée à de réelles difficultés dès qu’il s’agit de rédiger une scène où le vieil Antinaïkos intervient. Mais dans ce cas précis, l’inspiration est toute autre. A bien y réfléchir, je pense que la télévision – oui, encore elle – est pour beaucoup dans la création et la vie de ce personnage. Les soap-opéras des années 70/80 tels que Dallas étaient riches en chefs de famille sans foi ni loi, souples comme des colonnes de marbre. Les coups les plus retors et les plus pendables pouvaient le plus souvent leur être imputés jusqu’au moment où la descendance prenait le relais avec brio.
Mais si je creuse encore un peu (et dans des couches géologiques moins anciennes), je crois bien qu’Andreas Antinaïkos a quelque chose de Tywin Lannister dans le “Trône de Fer” de Georges RR Martin. En moins pire cela dit, parce que je ne crois pas que Tywin Lannister eut été capable de repentir, car pour qu’il y ait repentir, il faut qu’il y ait notion de la faute commise.

Pour ce qui concerne Andreas et bien ma foi, à vous de voir, la seule différence étant peut-être… qu’il a, un jour, su aimer.

6 commentaires:

  1. Aah, cet Andreas, tout un poème. Je le hais, je le déteste, je le conspue, je l'abhorre, mais je ne peux pas m'empêcher de l'aimer un tout petit peu quand même. Ne serait-ce que parce qu'il a produit deux spécimens absolument splendides de la race humaine, et aussi parce qu'il lui arrive d'avoir des moments de faiblesse qui le feraient presque paraître chou.

    Presque.

    Mais bon c'est bien des "méchants" charismatiques comme ça aussi. Moi j'aime bien, franchement.

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  2. Ouh, je sais que toi et Andreas ce n'est pas le grand amour et finalement, j'avoue que je suis assez contente d'avoir réussi à créer un personnage "détesté". Mine de rien, ce n'est pas forcément facile à faire, surtout si on essaie de ne pas trop tomber dans la caricature.

    Et j'aime beaucoup ton "presque"!

    Merci ;)

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  3. Je l'aime bien moi, Le vieux con raide comme la justice... Pour une fois qu'y en a un qui sait renvoyer les deux Grands Couillons des Gémeaux dans leurs 22 mètres intimes...

    Alaiya, tu t'inquiètes régulièrement du "Marysuisme" inconscient de ta plume. Eh bien, rassure-toi: Andreas fait contrepoids. Heureusement... Tu peux lui dire merci.

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  4. Mais je l'aime beaucoup moi z'aussi hein! ;) Sinon, je ne me régalerais pas à écrire sur lui.

    Et puis, c'est chouette les personnages qui ont du mordant, on peut leur faire dire et faire ce qu'on veut, vu que de toute manière, ils sont destinés à être antipathiques.

    Merci en tout cas, tu me rassures, ça me prouve au moins que je suis capable de créer des personnages réellement originaux^^

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  5. Personnellement, j'aime haïr ce personnage, et c'est le propre d'un "méchant" sublimement construit comme tu sais si bien nous en livrer. Je dois avouer qu'il m'a aussi inspiré la pitié (la grosse sensible que je suis n'a pas pu s'en empêcher...), il n'a pas eu que des trucs roses dans sa vie et, parfois, on le plaindrait presque (pas souvent, je dois bien le dire...).

    Bref, sublime personnage complexe, très intéressant article, merci à toi ^^

    Chibi

    PS: désolée de répondre seulement maintenant, mais suis un peu speed ces temps derniers > <

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  6. Merci Chibi!^^

    "Aimer haïr" ce personnage: voilà une chouette expression! C'est un peu ça en plus: en tout cas, de mon côté, en rédigeant à son propos, j'ai cette impression du genre "alors, qu'est ce qu'il va bien pouvoir sortir comme méchanceté goûtue, cette fois, hum?" Limite on est content de le retrouver, rien que pour ça...

    C'est vrai que j'ai du mal à faire un méchant pur et dur, un méchant gratuit (si. je serais, je crois, capable de le faire avec quelqu'un comme Albérich par exemple). Du coup, pour Andreas, j'ai, non pas essayé de lui chercher des excuses - après tout c'est sa personnalité profonde qui fait qu'il est comme ça - mais au moins tenté de lui construire une existence, avec un minimum d'humanité, dans le sens "expérimentation des drames humains". Qui sait, ça pourrait lui être utile, un de ces quatre ;)

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