[Angelo Salieri] Ciao Bello

Contrairement à une idée fausse mais fort répandue, le terme «Ciao» ne signifie pas uniquement «au revoir» dans cette superbe langue qu’est l’italien mais il correspond aussi à un «bonjour» tout ce qu’il y a de plus traditionnel. Donc, quand un beau ténébreux au regard de braise vous lance un « Ciao », mesdames, ne fuyez pas : il se pourrait qu’une réplique d’Angelo soit sur le point de vous sortir le grand jeu.

Et quelque chose me dit que vous serez toutes prêtes à sacrifier quelques minutes de votre précieux temps pour profiter du spectacle.

Je sais ce que vous allez me dire : au regard de ce que j’ai fait de ce pauvre Deathmask, j’ai honteusement franchi les limites de l’OOC (Out Of Character pour les néophytes… ou le principe de modifier drastiquement les traits de caractère d’un personnage) en ce qui le concerne, et aucun châtiment ne saurait être assez raffiné pour punir un auteur ayant osé transformer l’espèce de bourrin psychopathe médiocre et sans âme créé par Masami Kurumada en un séduisant – mais tout de même un poil dérangé – italien au charme ravageur, dont la torture mentale quotidienne n’a d’égal que ses exceptionnels dons humoristiques.

Mea culpa. Dans une certaine mesure néanmoins.

Il convient en effet d’admettre qu’il est plus aisé de s’emparer d’un personnage sous-exploité dans n’importe quelle œuvre et de le modeler au gré de ses envies, plutôt que de s’attaquer à une icône. D’une part, cela offre une myriade de possibilités, et d’autre part, cela limite les risques pour l’auteur de se voir lyncher en place publique.

Deathmask (ou Masque de Mort en version française) constituait le candidat idéal à la promotion dans U.D.C.. N’allez cependant pas croire que j’ai sciemment décidé d’adopter ce point de vue, il n’en est rien. Le personnage d’Angelo s’est imposé à mon imagination au fil du temps, il s’est construit par petites touches, et n’était pas destiné à prendre l’ampleur qui est aujourd’hui la sienne à ce stade de l’histoire. En résumé, il occupe beaucoup de place, mais ce n’était pas prévu.

D’abord, le prénom. Comme les fans le savent, Deathmask n’a pas d’autre nom que ce sobriquet des plus avenants. Aussi, les auteurs de fanfictions se sont emparés du dictionnaire des prénoms italiens en vue dans un premier temps d’accorder a minima une “identité” à ce personnage… et force est de constater que le prénom «Angelo» s’est imposé à un tel point dans le fandom que finalement… j’ai suivi le mouvement. Aussi, je ne sais toujours pas à ce jour qui a eu cette fabuleuse idée, mais en tout cas, il ou elle a droit à ma gratitude éternelle. Après tout, quel autre prénom aurait pu exprimer avec autant d'à-propos toute la dualité qu’il est possible d’imaginer au sujet de ce personnage ?

Parlons-en justement de cette dualité. Enfin… dualité… Du Deathmask de Kurumada, j’ai conservé les principales caractéristiques de ses occupations favorites (“taxidermie” comprise) pour qu’elles constituent le tissu de son passé de chevalier du Cancer. En ce sens, j’ai respecté ce pré requis indispensable à la construction de sa personnalité. La colère. L’ultra violence. La raison du plus fort. Les certitudes enfoncées dans le crâne à coups de torgnoles, celles qu’il a flanquées aux autres… et celles qu’il aurait du recevoir. Le manga reste campé sur cette position, faisant du personnage un être méprisant et méprisable.

Le fait de considérer tous les protagonistes avec un passif non négligeable du fait de leurs âges dans U.D.C. (entre 30 et 40 ans pour la moyenne globale), constitue une manœuvre intéressante dans le sens où cela m’a permis de conserver pour chacun – et notamment pour Angelo – des incontournables de l’histoire d’origine, ce qui a, je crois, permis au lecteur de retrouver ses petits à un moment donné ou à un autre (cet aspect sera d’ailleurs l’occasion d’un futur post). Ce n’était pas mon objectif de départ, mais disons que, moi, c’est ainsi que j’aime à y penser, imaginant un “rebouclage” de mes délires avec le vrai Saint Seiya. Et c’est tant mieux si j’ai pu partager cette façon de voir avec d’autres.

En conséquence, la personnalité de l’Angelo à 35 ans dans U.D.C. est la continuité de celle du Deathmask de Saint Seiya, ou plutôt, elle s’y oppose tout en s’en nourrissant. Et pour se supporter soi-même… Quoi de mieux qu’un excès de dérision et d’humour bancal ? Angelo aurait pu tout aussi bien devenir un être sombre et taciturne, de mauvaise humeur perpétuelle, bref un répulsif à êtres humains d’une efficacité redoutable. Mais Angelo est italien. Et rien que ça… De l’assurance, de la verve ! De la flamboyance que diable ! Il n’en fallait pas plus pour en faire le trublion acerbe de service.

Quel plaisir pour un auteur d’avoir un tel spécimen sous la main… Une véritable bouffée d’oxygène. Pas de pincettes à prendre avec Angelo, après tout, il n’en prend avec personne, et encore moins avec son propre matricule. J’aurais tort de me gêner.

Finalement, c’est peut être ce dernier aspect qui a contribué au succès de ce personnage (parce qu’à ce niveau là, j’aurais du mal à employer un autre terme, au vu du nombre grandissant de ses fans) : sa vérité. Ses défauts, ses manies, son langage, sa façon d’être… tout cela ne serait-il pas ce qui se rapproche le plus de chacun d’entre nous, de ce que nous sommes ou de ce que nous aimerions être ?